HADOPI : ouf, on est sauvés... ou pas |
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Comme de nombreux experts (ce que nous ne sommes pas), Kitetoa.com avait écrit que la loi dite HADOPI était un « machin » de plus, qui ne tenait aucun compte des aspects techniques liés au réseau Internet. De ceci résultait un projet de loi bancal qui risquait de mettre en place une incertitude juridique très dangereuse pour Mme Michu et toutes ses amies (pour une analyse juridique de la décision du Conseil, nous vous proposons la lecture du toujours très éclairant Maître Eolas, qui est à la mer opaque du Droit -le d majuscule est volontaire- ce que le phare d'Alexandrie était à la Méditerranée). Le Conseil constitutionnel a censuré hier ce texte. Nous voilà sauvés et nombreux sont ceux qui se félicitent. Mais ne dit-on pas que lorsque le sage montre la lune, le fou regarde le doigt ? Il n'est jamais inutile de se remémorer ce petit proverbe qui ramène le bon sens près de chez vous dans la conversation. Observons le doigt. Le Conseil constitutionnel a méchamment rappelé à Nicolas Sarkozy et à ses amis qu'il reste dans ce pays deux choses importantes à ses yeux que même une personne décomplexée et ayant désormais plus de pouvoirs que tous les autres présidents qui l'ont précédé, ne peut pas faire. Le Conseil constitutionnel a expliqué à Nicolas Sarkozy que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 devait être prise pour ce qu'elle est : un texte fondateur qui a contribué à donner une place particulière à la France dans le monde. Par ailleurs, le Conseil a souligné à l'intention de Nicolas Sarkozy, pourtant avocat, que le renversement de la charge de la preuve n'était pas possible en droit français. Ouf. Enfin, quelqu'un freine les mouvements erratiques de l'omniprésident en lui posant de nécessaires limites. Ceci dit, que personne ne perde de vue que le même Conseil constitutionnel n'a pas censuré comme il aurait pu le faire des incongruités telles que l'enfermement pour une durée indéfinie et pour des actes qui n'ont pas été commis. Pas plus qu'il ne s'est opposé aux peines plancher, à l'extension des fichiers policiers et judiciaires et à leurs croisements. Le fichage de la population à grande échelle (y compris dans les écoles primaires), avec pratiquement aucun moyen d'en sortir une fois que l'on est fiché, toutes sortes de choses qui ternissent une démocratie et écornent les règles que les citoyens se sont choisies pour « vivre ensemble ». Mais c'est une autre histoire, sans doute. Le Conseil a donc dit qu'il n'était pas possible de couper un accès Internet à un internaute, ni de laisser passer un texte qui demande au supposé téléchargeur, normalement présumé innocent, de prouver qu'il n'est pas coupable. Pour le Conseil, c'est au juge de déclarer coupable, s'il y a lieu, un internaute et de décider de la coupure de son accès Internet, ou toute autre sanction. C'est heureux. Voilà pour le doigt. Il brille fort ce doigt. Et tous le regardent émerveillés. Maintenant, la lune... Le Conseil constitutionnel ne remet pas en cause la mise en place d'une milice privée, au service des ayant-droits, qui pourra rechercher de supposées preuves de la culpabilité des internautes téléchargeurs (ou pas) et transmettre ces informations à l'HADOPI (ou à la justice, vu le chemin que prend l'histoire). Et ça, c'est bien dommage. Car que voit-on là ? Une privatisation de la justice et de la police. Si l'on suit l'esprit de ce texte, qui reste valable sur ce point, pourquoi les assureurs ne pourraient-ils pas monter leur milice de traqueurs de supposés fraudeurs, pourquoi les auteurs de Kitetoa.com ne pourraient-ils pas mettre en place une milice qui traquerait les entreprises contrevenant à l'article 34 de la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, afin de transmettre ces informations aux autorités compétentes ? Et puis, à bien y réfléchir, pourquoi l'Etat ne privatiserait-il pas ses fonctions régaliennes ? Il n'y a aucune raison finalement de laisser l'Etat continuer de perdre de l'argent avec des choses aussi consommatrices de ressources que la défense du territoire avec son armée, la sécurité des citoyens avec sa police, le respect des lois avec sa justice. Vive l'efficience, vive le secteur privé ! Privatisons tout cela. Et la santé ? Que la gestion des hôpitaux soit déléguée à une multinationale. Et la monnaie ? Ne serait-il pas plus rentable de confier son impression à une société cotée en bourse ? Nicolas Sarkozy a bien essayé de faire produire les passeports par une entreprise privée. Sans succès pour l'instant. Mais espérons que ce n'est que partie remise. La tendance est à l'abandon. A l'abandon de ce qui cimente notre contrat social. C'est dans une loi aussi insignifiante que la loi dite HADOPI que l'on peut le remarquer. Et quant les fondations de la maison sont attaquées... C'est toute la maison qui s'écroule en fin de course. Décidément, ce maçon Sarkozy est un drôle d'artisan.
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