[Kitetoa, les pizzaïolos du Ouèb

Règne du faux, l'avènement d'une rhétorique nouvelle

Pour un vieux con dans le genre de l'auteur, la question se pose. Etait-ce différent avant? Finalement, était-on moins abruti dans les années 70-80 que maintenant? Nos dirigeants autoproclamés nous prenaient-ils autant pour des imbéciles en donnant à leurs mots des sens contraires tout en pensant que nous allions gober cette supercherie grossière? La rhétorique tendant à faire passer des vessies pour des lanternes était-elle aussi développée? Les intellectuels étaient-ils des intellectuels ou des « stars des media » insignifiantes construites de toutes pièces par ces derniers, histoire de meubler (pour pas cher) les petites lucarnes, les colonnes des journaux et les ondes radio?

Il y a eu comme un trouble dans l'équilibre des médicloriens... c'est comme si la Force avait subi une inflexion provenant du Phénix du Haut Poitoux, Jean-Pierre Raffarin. L'ancien premier ministre (du 6 mai 2002 au 31 mai 2005) a donné -en France- le coup d'envoi d'une rhétorique nouvelle, vide de sens, mais qui se voulait paradoxalement profondément signifiante.

Lorsque l'on dit à une tranche majoritaire de la population: vous êtes « la France d'en bas », peut-on imaginer un instant que celle-ci va prendre cela pour de l'empathie? Alors que cette assertion, au contraire, lui indique combien elle est inférieure, en droits notamment, à la « France d'en haut », celle à laquelle appartient indubitablement son auteur? Le groupe Sinsemilia ne s'y est pas trompé en écrivant sa chanson « Bienvenue en Chiraquie »:

«  Ici c'est chez toi
Oui mais ferme ta gueule, ferme ta gueule,
Ici y'a un roi
Et des seigneurs qui font c'qui veulent
Ici y'a des lois
Mais seulement pour le peuple, seulement pour le peuple
Le message est clair pour une fois
Toi et moi on s'appelle "France d'en bas"
Et même si ta vie est un combat
Sache que tout le monde s'en bat dans leurs débats
On est juste des statistiques
Des braves bêtes bien sympathiques
Des marchandises qu'on oublie au fond de l'arrière-boutique
Valeurs marchandes de leurs trafics
C'que j'vois c'est pas du cinéma
Cette fois c'est pas qu'du Coppola
C'est au sommet de l'état
Que règne leur mafia. »

Le message est clair pensaient les Sinsemilia. Probablement pas pour tous si l'on considère les chiffres de l'audimat qui nous apprennent quelle proportion de la population avale les productions bêtifiantes des chaînes de télévision comme TF1 ou M6, la proportion de la population qui préfère lire Metro ou 20 minutes plutôt que le Monde Diplomatique, celle qui se complaît dans la « lecture » d'Entrevue ou de Choc...

Mais revenons à notre Phénix du Haut Poitoux. Voici quelques raffarinades qui démontrent, si besoin était, combien le discours de l'ancien premier ministre était à la réflexion ce que les trous noirs sont à l'univers...

« Notre route est droite, mais la pente est forte ».
« L'avenir est une suite de quotidiens ».
« Je suis en mesure de jouer un rôle de fédérateur de tous ceux qui soutiennent mon action ».
« La retraite est un problème, pas un malheur ».
« Nous devons rester des militants du réel ».
« La fraternité, ce n'est pas un prélèvement mais un engagement ».

Limite novlang tout ça...

Le règne du faux, largement évoqué dans les pages de Kitetoa.com était né avant Raffarin. Qui ne peut même pas se targuer d'avoir lancé un nouveau type de rhétorique...

Et non, notre bon ministre n'a rien inventé. La palme revenant à George Bush et à sa cohorte de « penseurs », de « théoriciens ». Parvenir à lancer une guerre -qui a, entre autres choses, achevé de détruire l'équilibre des relations internationales, déjà mal en point depuis la chute du mur de Berlin-, en faisant avaler à la communauté internationale que le pays cible menace le monde avec des armes de destruction massive (ADM) alors que l'on sait pertinemment que celles-ci n'existent pas, il fallait le faire! Mais le mieux, c'est sans doute d'avoir réussi à ne pas subir les foudres de ladite communauté internationale lorsqu'il a été avéré que les ADM en question étaient pure invention. Non?

Au moment où les media nous rebattent les oreilles avec des scandales pourtant d'une portée insignifiante (il paraît même que l'histoire de Clearstream serait « le plus gros scandale de la Vème république »... Les journalistes ont dû oublier les affaires Boulin, de Broglie, Bérégovoy, Greenpeace et j'en passe) on peut se demander si LES scandales de ces dernières années ne sont pas plutôt dans le silence assourdissant de la communauté internationale face aux agissements du gouvernement américain, face à la dramatique paupérisation d'une majorité de la population mondiale. Bref... Il faut dire qu'une série de « Unes » sur la pauvreté jusqu'à ce que les gouvernements agissent enfin, c'est moins vendeur, coco, qu'un bon feuilleton Clearstream pendant... combien de temps au fait ?

Alors, était-ce différent avant?

Pas complètement. Les coups tordus de la CIA en Amérique Latine, l'apartheid, Giscard dînant à la table de bons français moyens, Intervilles, tout cela procédait bien du règne du faux.

En revanche, il est patent que les symptômes sont plus prégnants aujourd'hui...

La théorie du règne du faux, développée dans ces pages depuis un moment a été fort joliment explicitée (avec plus de talent) par deux universitaires dans l'édition du mois d'avril du Monde Diplomatique. Permettez-moi de citer quelques lignes de leur article titré « Révoltes contre l'emploi au rabais »:

« La nouvelle rhétorique réactionnaire, loin de se présenter en France comme une figure inversée de la rhétorique progressiste, reprend à son compte le lexique de l'adversaire. Les prophètes du néolibéralisme, leurs exécutants politiques et leurs thuriféraires médiatiques veulent apparaître comme des « modernisateurs », courageux novateurs décidés à surmonter les « pesanteurs », les « blocages », les « immobilismes », les « tabous » de la société française ; comme des « réformateurs », adversaires indomptables de tout « conservatisme » ; comme de fervents partisans de l'« égalité des chances » déterminés à lutter contre les « privilèges des nantis » (à commencer par ceux des fonctionnaires et, par extension, de tous ceux qui ont l'aubaine de « bénéficier » d'un emploi stable) ; comme des « réalistes », capables de se confronter pragmatiquement au monde tel qu'il est et aux chimères des défenseurs attardés d'un passé dépassé ; comme des adversaires résolus du chômage (n'ont-ils pas « tout essayé » ?), défenseurs des « exclus » (les « out »), contre les corporatismes frileux et les égoïsmes hexagonaux (les « in » qui bénéficient d'un « emploi à vie ») ; comme des internationalistes, « ouverts », adversaires inflexibles des « fermetures », des « protections » et des « replis souverainistes », etc. »

Dans son édition de mai, le journal enfonce le clou. Il ne s'agit plus de pointer cette étrange rhétorique, mais de démontrer la démission des intellectuels face à ce règne du faux. Pour ceux qui ne l'avaient pas perçu, se profilent au fil des lignes, les accointances malsaines entre ceux qui devraient être un contrepoids aux pouvoirs en place et ces derniers.

Laurent Bonelli et Hervé Fayat signent un intéressant article titré « De compagnon de route à conseiller du patronat ». On peut y lire par exemple « Certains intellectuels voudraient imposer l'usage de la raison en politique contre l'usage politique de la raison, et échapper aux dispositifs de consécration médiatique. Afin de défendre les valeurs de désintéressement et d'universalité ». Mais combien sont-ils? Et quelle place leur laisse-t-on? Quels outils de diffusion de leur pensée restent à leur disposition? La presse et l'édition sont désormais dans leur grande majorité aux mains des industriels pour qui ces entreprises ne sont pas -loin de là- des moyens de diffusion du savoir, mais des centres de profits (en l'occurence de pertes, mais ils ne peuvent s'y résoudre et abandonner ce secteur qui les fascine de manière morbide).

Après avoir fustigé de manière plaisante les nouveaux nigauds censés être des intellectuels, en tout cas fabriqués par les media, Jacques Bouveresse revient pour sa part incidemment sur le règne du faux. Il explique à propos du mouvement anti CPE: «  sur ce que ses prédécesseurs immédiats auraient encore perçu comme une forme de révolte légitime contre la précarité sociale organisée, l'intellectuel nouveau n'a, de façon générale, pas grand chose à dire et, s'il pense de façon « néoréactionnaire », il aura même tendance à ne plus y voir qu'un symptôme supplémentaire du laisser-aller et de l'abâtardissement de la société démocratique, en même temps que de l'impéritie ou de la molesse des dirigeants incapables de lui imposer la remise en ordre et les transformations nécessaires ».

Ce type de comportements se retrouve également parmi les économistes et les journalistes financiers, un processus fort bien décrit dans plusieurs livres par Bernard Maris.

Le règne du faux prospère chaque jour un peu plus, principalement parce que les media, les pouvoirs établis le relayent et le font enfler, mais aussi parce que les intellectuels oublient leur rôle. Quant à ceux qui tentent de le jouer, ils manquent de relais (caisses de résonance) pour être entendus.

Mais les principaux fautifs sont ailleurs... Nous sommes ces fautifs. Ceux qui acceptent cette transformation par leur silence ou par leur étrange faculté à se persuader que le sens des mots à effectivement changé. Que fléxibilité ne veut par exemple pas dire précarité. Par notre capacité à oublier du jour au lendemain les énormités que l'on nous a servies, nous confortons « le monde d'en haut ».

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