La Critique de Hell's r00ts par le magazine )Transfert

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par Nicolas Gurgand
mis en ligne le 9 mars 2000

Le site kitetoa.com propose le téléchargement de Hell’s rOOts, un manuscrit écrit par son webmaster. Diffusée dans l’esprit du logiciel libre, l’œuvre, qui relate les exactions d’une organisation de hackers mal intentionnés, ne cache pas sa dimension pédagogique.

© Pierre-Emmanuel Rastoin / Transfert

Derrière le pseudo Kitetoa se cache un personnage multiple, à la fois journaliste, webmaster et écrivain. Un personnage qui aime l’anonymat, mais se dévoile un peu à la lecture du site — collectif — kitetoa.com. De page en page, on le découvre partisan d’une philosophie Internet un peu utopiste : celle des "bons" hackers qui ne trouvent les failles du Réseau que pour mieux les combler, celle, aussi, des pionniers qui ouvrent leurs logiciels à tous afin de les améliorer constamment. C’est d’ailleurs sur ce modèle qu’il a décidé de diffuser son livre Hell’s rOOts, les racines de l’enfer. Disponible en téléchargement gratuit, le manuscrit est ouvert à tous : chacun peut le remanier à sa guise et le transmettre à d’autres ainsi retouché — à condition de stipuler expressément les modifications apportées et de ne pas tirer profit de la diffusion de l’œuvre. "Ça ne m’intéresse pas de gagner de l’argent avec mon œuvre, explique Kitetoa. Je la mets à la disposition des autres. Ils sont libres de la reproduire s’ils le veulent, voire de la modifier. C’est une éventualité, même si je ne crois pas trop à ce type d’écriture." Alors pourquoi le mettre en ligne ? Parce que Hell’s rOOts constitue une mise en garde autant qu’une fiction récréative et relate l’histoire d’un géant aux pieds d’argile baptisé… Internet.

Rumeurs et désinformation

Le 11 novembre 1999, Pierre Martinie, journaliste économiste à La Finance, reçoit un mail d’un plaisantin baptisé Bill Clinton qui lui conseille de s’intéresser à une société nommée FirstCorp. Enquête journalistique et conseils judicieux du pseudo locataire de la Maison Blanche aidant, le petit journaliste va lever un lièvre d’envergure internationale : infiltrée par une organisation de spéculateurs malhonnêtes, la FirstCorp qui alimente en données économiques toutes les sources d’informations de la planète, commence à distiller des rumeurs médisantes sur des acteurs importants de la Net économie. Cette désinformation aidant, les cours plongent, et l’organisation des méchants en profite pour spéculer. L’infiltration calculée des systèmes informatiques et informatifs fait progressivement plier tout un pan de l’économie internationale : le crack boursier approche à grands pas…

Quand la réalité précède la fiction

Hell’s rOOts est un manuscrit libre, ce qui signifie qu’il n’est pas passé devant un comité de lecture ni, en l’état, sous le regard d’un éditeur. L’histoire, ficelée façon polar économico-technologique, se tient de bout en bout. En contrepartie, on décèlera assez souvent des tournures de phrases quelque peu hâtives et des considérations personnelles superflues. Mais si la forme laisse parfois à désirer, le fond, lui, intrigue : qui se cache derrière cette mystérieuse organisation ? La Net économie est-elle potentiellement si fragile ? Pourrait-on détourner le site du Nasdaq aussi facilement, et influer ainsi sur les organes d’information ? Pure fiction, diront les moins paranoïaques d’entre-nous. Fiction sans doute. Sauf qu’en annexe, l’auteur nous livre quelques copies d’écrans de pages hackées dont il s’est inspiré pour construire son intrigue. Et d’un seul coup, la fiction prend une dimension un peu trop réelle pour être complètement négligée…